Robert Brandy, le peintre
qui murmure à l'oreille
des bidons d'huile...
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Passée la porte de son atelier situé dans une rue paisible de Belair, c'est l'explosion des émotions. Tout d'abord, le personnage: souriant, accueillant et vrai. A tel point qu'il se confond avec le décor, fait de centaines de bidons d'huile multicolores de toutes marques. Les carrosseries rutilantes de ses cinq bolides anglais et les anciennes plaques émaillées Michelin nous invitent à en faire le tour. Nous passons devant une vitrine pleine de petites voitures en tôle, laissons un écran de télévision géant dans notre dos, pour découvrir l'antre de l'artiste avec des toiles accrochées aux murs et d'autres, méticuleusement rangées. Robert nous parle déjà de ses passions et de ses collections. |
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Ses débuts ont été difficiles, il était parti en Provence pour trouver l'inspiration... et la lumière, nous dit-il: «Je dormais dans ma bagnole ou dans l'atelier. C'était la vie de bohême. Encore aujourd'hui, lorsque j'ai une exposition à Paris, je conduis le soir et une fois arrivé dans la nuit, je pique un somme dans mon auto et je prends un café au zinc à sept heures du matin: Paris s'éveille ".
De retour à Luxembourg en 1975, Robert Brandy avoue avoir eu beaucoup de chance. Sa première exhibition a bien marché. «Avec le fric que j'ai gagné la première fois, j'ai acheté une Austin Healey Frogeye. Encore aujourd'hui, j'en ai une. Elle est de teinte british racing green». Et pour ceux qui connaissent Brandy, ce sera certainement le dernier bijou dont il se séparera. De plus, il collectionne tout ce qui a trait aux Austin Healey. Les anciennes 'Voitures sont des sculptures roulantes... «J'ai toujours aimé les voitures et particulièrement les anglaises, c'est peut-être une question d'esthétique, de rudesse des commandes, un état d'esprit qui me va comme un gant». Robert roule souvent en ancienne. Il a utilisé sa Scimitar comme « daily driver» pendant de nombreuses années. «Quand je l'ai achetée, elle avait 200 000 kilomètres au compteur, maintenant, elle en a 480 000». Il nous dit fièrement que sa Morris Minor Van est revenue dans la famille Brandy (elle appartient à son fils maintenant) alors qu'un précédent propriétaire avait «tuné» le moteur, ce qui fait qu'elle dépasse bien des voilures modernes sur autoroute. Au fond de l'atelier, nous découvrons une berline noire des années 30-40, elle pourrait avoir appartenu à un bandit. Robert nous apprend malicieusement que c'est la Riley d'un certain Bolitho Blane, un grand voyageur et gangster à ses heures. Le dernier véhicule est une splendide Austin Healey 100/4 de teinte english white. Un vrai objet d'art contemporain, mais qui roule et qui sent bon la vieille huile et le cuir... Une peinture influencée par sa vie . « Cette Voiture m'a donné une dernière touch d'inspiration pour peindre et m'a fait redécouvrir le blanc et quelques touches subtiles de noir. J'en avais marre des couleurs vives, j'etais en manque d'inspiration, je doutais... Je voulais tout arrêter et d'un coup comme si ma vieille Healey se ressuscitait dans mes toiles». Ses dernières oevres sont eposées chez lui et attendent la touche finale. «C'est du blanc et crème, c'est épuré tout en restantstrès lumineaux». Voilà le secret des peintures de Robert Brandy: la lumière dans ses toiles. Il nous dit qu'il a retrouvé |
Tout son plaisir et qu'il a envie de peindre de plus grands formats: un nouveau tournant dans sa carrière d'artiste. Dans la vie, Robert passe souivent sans transition de l'atelier au garage. Il est aussi heureux en lustrant ses oldtimers qu'en peignant. C'est peut-être la raison de son long succès. Il nous dit qu'il exposera prochainement à Paris et en décembre 2011 à Luxembourg, à la Galerie Bernard Ceysson. Il se pourrait même que Bolitho Blane soit presente... «J'ai toujours fait des photos de mes oeuvres, c'est mon esprit collectionneur, comme pour les nombreux livres qui retracent ma vie, mes toiles et mes collections». Ou tout simplement, ces livres avec des peintures originales et numérotés de 1 à 4, ou encore ces sérigraphies reliées et agrémentées d'un texte de poète. Ce sont, comme il le dit, ses petits plaisirs. Il a même réalisé un livre avec Theodorakis.
Mais qui est ce Bolitho Blane? Pourquoi ce grand écran de télé? «Toute la journée, j'écoute les nouvelles, et si un Maigret passe, je m'arrête de peindre et je participe à l'enquête». La rencontre avec Bolitho Blane a été fortuite. Lors d'une brocante, R. Brandy découvre un livre, Murder in Miami. Il y remarque une photo de la salle de bain d'un petit hôtel minable de Floride. Robert y avait pris sa douche dans les années 70, et imaginait que Bolitho Blane y avait séjourné dans les années 30 : «Et en arpentant les brocantes à la recherche de bidons d'huile, je découvre son chapeau, sa valise, sa photo sous le Pont Rouge de Luxembourg. Je poursuis mes recherches et apprends qu'il avait de la famille au Grand-Duché. Je retrouve ses lettres et sa voiture, une Riley, que je déniche au Nord de l'Allemagne. Bolitho Blane, c'est moi dans une autre vie. Il avait les mêmes passions que moi, sauf qu'il est un petit gangster alors que je suis peintre. Le hasard de la vie!» Du reste, un livre sur Bolitho Blane est en cours de préparation avec le Musée de Gap en France. Il retracera les deux destinées. Des bidons d'huile, le trait d'union entre toutes les passions de Robert Brandy... Nous repassons, comme si aucune transition n'existait, dans l'autre partie de l'atelier. Robert nous parle de ses bidons d'huile. Il en a plus de 1000. Il a démarré sa collection, qu'il appelle Petrolania, en parcourant les anciens garages à Luxembourg et en France. Il s'agit certainement de l'une des collections les plus prestigieuses d'Europe. Le plus ancien bidon est un Condor de 1919. Il possède aussi un flacon FL de l'entreprise luxembourgeoise François Lentz. Nous faisons le parallèle entre la tôle des bidons et celle des automobiles. Entre l'huile des bidons, celle des voitures et de ses toiles. La boucle est bouclée. |
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Robert parcourt encore les foires et les brocantes afin de chiner des bidons mais aussi des vieux documents. Cependant les achats se font rares: Internet a fait s'emballer le marché et a tout foutu en l'air. Un bidon d'huile ou un panneau émaillé des années 30 peut atteindre plusieurs milliers d'euros. Un bidon d'huile est à lui seul une petite œuvre d'art. Il nous en montre un avec une très belle sérigraphie des années 30 de la marque antigel Pingouin. «Il m'est arrivé de monnayer une collection de bidons contre une peinture».
Un jour, Brandy m'a avoué que ses bidons avaient une vie: «Ils parlent le soir lorsque tout est calme, ils jouent de la musique sur le rythme des changements de température. Et certaines fois, je me suis même surpris à leur murmurer qu'ils étaient très beaux». Un dernier point, Robert est connecté, vous pouvez suivre son actualité sur Facebook. P-Y Augsburger
Photos: Vincent Habay ![]() |
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