Le nouveau studio
Qui pourrait mieux décrire l'atmosphère de l'atelier de Brandy que son ami Bernard Noël?
Extrait du livre "Le Roman du Geste ou l'Atelier de Brandy" de Bernard Noël:
Quand on entre dans l'atelier, on croit s'être perdu dans le garage d'une collection de voitures anciennes, mais l'espace s'approfondit sur la droite et on y longe des rangées de toiles, toutes de dos. Que voit-on sur ces dos blancs? Une croix de bois.

- J'ai fait des boîtes, des installations, et puis, devant tout ça, je me suis dit un jour: à quoi bon? Alors, je me suis mis à peindre et tout ça est devenu la vie d'avant la vie!
C'est dit avec un sourire, qui met une couche de lumière sur le visage, puis un geste désigne trois toiles accrochées sur le mur du fond.
- Je ne commence jamais une peinture avec une idée en tête. Ce qu'il me faut seulement au début, c'est l'envie de travailler.
Il découpe de la toile dans un rouleau: la toile crie quand il achève d'en détacher un morceau d'un coup sec. Un châssis posé à plat sur une table étroite attend ce morceau prévu à sa taille et qui, prestement, est agrafé d'un point sur trois côtés.
- Je n'aime pas les toiles achetées toutes prêtes, elles me font peur tandis qu'en les préparant moi-même, je me prépare aussi. En fait, ce travail prend mon temps, et j'aime ce moment où je ne pense à rien. Ainsi, je ne suis pas dans le souci de ce que je vais peindre.
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Il glisse un bout de contreplaqué entre toile et châssis pour, ditil, empêcher ce dernier de transparaître par l'effet de la colle dont le voilà en train, déjà, d'enduire la surface. De la colle de lapin! fait-il, passée dans le va-et-vient très rapide d'un pinceau large. L'odeur est forte bien que fade. Il retire le contreplaqué, dresse la toile et l'agrafe en faisant tourner le châssis d'un côté sur l'autre.
- Tendre une toile, c'est tout ce que j'ai appris aux Beaux-Arts. Jamais de pinces, je fais ça à la main. Toute cette occupation manuelle écarte l'angoisse. À présent, je passe de la colle sur les bords parce qu'ils en ont reçu moins que la surface.
La toile est posée bien à plat pour cet ajout. Elle reste dans cette position tandis que Brandy récolte sur le sol des bouts de carton souillés d'éclats de peinture. Il en choisit un, l'amincit avec une lame, l'enduit de colle, le pose sur la toile, le soulève, le déplace - et l'on dirait qu'il a laissé une sueur colorée. C'est au tour de morceaux de journaux: deux sont choisis, l'un avec un reste de gros titre en anglais, l'autre avec une bicyclette. Les deux vont flanquer le bout de carton et reçoivent de la colle. Quelques lambeaux de papier kraft complètent cet ensemble.
- Le temps du collage est un peu ma salle d'attente avant d'entrer dans la peinture. Si ce collage est trop réussi plastiquement, ça ne va pas car il n'est pas mon but, juste un passage. D'ailleurs, je vais plus ou moins le recouvrir.
Il soulève un coin du journal collé, le déchire, puis remet de la colle. Il déchire un peu du carton.
- Ces déchirures me donnent déjà des lignes.
Le pinceau à colle émet de petits raclements. Brandy se penche, examine, donne encore un coup de colle qui délave un peu plus les couleurs du carton. Un instant, la toile est traitée comme un miroir, mais que renvoie-t-elle vers celui qui ne peut vouloir y distinguer qu'un acte à venir?
Brandy saisit la toile et la pose sur le sol, au pied du mur qui, d'après les taches et les coulures, doit lui servir de chevalet. Il va se laver les mains à un petit lavabo à l'émail impeccablement blanc. Revenu devant la toile au sol, il dit:
- Ce collage fait qu'il y a
maintenant quelque chose sur la toile, et donc je n'ai plus peur de commencer.
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La chose dite "collage" ressemble vaguement à une carte, avec des territoires aux frontières en zig-zag. Tout cela fut saisi au hasard et déchiré de même, mais le hasard a disparu si bien qu'il ne reste plus qu'un objet à contempler. Quel est cet objet? Sa condition est provisoire a laissé entendre le peintre, qui vient de poser une baguette sur la toile. Elle lui sert à diriger un trait gras et noir.
- Parfois, je me donne des lignes comme ça ! Je travaille autour du collage, qui m'indique déjà le haut et le bas de ma toile.
Le collage est-il une sorte de composition, de structure de base?
- Oui, dans la mesure où il m'offre un point d'appui pour commencer, mais je vais sans doute le contester, l'effacer, le détruire. J'aime à imaginer qu'il va lentement passer dessous, devenir l'en-dessous qui sera le cœur secret de ma toile ... Là, il y a un
pli, je le noircis et ça fait encore une ligne.
Il recule, regarde la toile de tout son haut, puis va vers une rangée de pots jaunes. Dix pots qui contiennent des pigments: deux rouges très violents, deux bleus intenses, deux verts, un jaune, un ocre, un terre de Sienne, un brun.
- Ça m'a pris du temps, fait-il, pour connaître les matériaux qui me conviennent, bien les choisir.
D'un geste de semeur, il saupoudre un peu de bleu sur la toile, et le gratte ensuite du bout d'un pinceau sec...
La fin de l'extrait du livre "Le Roman du Geste" de Bernard Noël
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Le nouvel atelier n'est pas seulement un environnement optimal pour Robert Brandy mais également une place pour trouver son calme intérieur. Ici il rassemble tout ce qui, en dehors de sa famille lui est chèr: ses voitures classiques, toujours prèt à partir, dans les vitrinnes une collection de voitures miniatures, Dinky, Schuko, Joustra etc... sa collection d'ancien bidons d'huile, plus de 800 pieces, pompes d'essences et plaques émail, sans oublier tous les objets en relation avec son double, Bolitho Blane. Dans cet environnement il puise l'inspiration et la force pour ses réalisations artistiques.
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 L'esprit de Bolitho Blane se trouve partout dans son atelier. |